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sourd l’avait attirée à la fenêtre, ne saurait se peindre : elle voulait crier, mais sa langue s’attachait à son palais, la terreur lui serrait la gorge de sa main de fer ; chancelante, éperdue, à demi folle, elle descendit l’escalier au hasard, ou plutôt elle se laissa glisser sur la rampe comme un corps inerte. Elle arriva juste au moment où Andrès tombait et repoussait par sa chute le battant mal clos de la porte.

Heureusement Juancho ne vit pas le mouvement plein de désespoir et de passion avec lequel la jeune fille s’était précipitée sur le corps d’Andrès ; car, au lieu d’un meurtre, il en aurait commis deux.

Elle mit la main sur le cœur d’Andrès et crut sentir qu’il battait faiblement ; le sereno passait, répétant son refrain monotone ; Militona l’appela à son secours. L’honnête gallego accourut, et mettant sa lanterne au visage du blessé, il dit : « Eh ! tiens, c’est le jeune homme à qui j’ai prêté mon fanal pour lire une lettre », et il se pencha pour reconnaître s’il était mort ou vivant.

Ce sereno aux traits fortement caractérisés, à la physionomie rude, mais bonne ; cette jeune fille, d’une blancheur de cire et dont les sourcils noirs faisaient encore ressortir la mortelle pâleur ; ce corps inanimé, dont elle soutenait la tête sur ses genoux, formaient un groupe à tenter la brosse de