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À ta gloire il faut que je fende
Les naseaux de ces capitans.

Au ruisseau qui gêne ta marche
Et pourrait salir tes pieds blancs,
Corps du Christ ! je veux faire une arche
Avec les côtes des galants.

Pour te prouver combien je t’aime,
Dis, je tuerai qui tu voudras ;
J’attaquerai Satan lui-même,
Si pour linceul j’ai tes deux draps.

Porte sourde ! Fenêtre aveugle !
Tu dois pourtant ouïr ma voix ;
Comme un taureau blessé je beugle,
Des chiens excitant les abois !

Au moins plante un clou dans ta porte :
Un clou pour accrocher mon cœur.
A quoi sert que je le remporte
Fou de rage, mort de langueur ?


« Peste, quelle poésie farouche ! pensa Andrès, voilà de petits couplets qui ne pèchent pas par la fadeur. Voyons si Militona, car c’est en son honneur qu’a lieu ce tapage nocturne, est sensible à ces vers élégiaques, composés par Matamore, don Spavento, Fracasse ou Tranchemontagne. C’est probablement là le terrible galant qui lui inspire tant de peur. On s’effrayerait à moins. »

Don Andrès, ayant un peu avancé la tête hors de l’ombre où il s’abritait, fut atteint par un rayon de lune