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Tu me hais, mais c’est mon caprice
De me planter sous ton balcon.

Là, je veux, le pied sur la borne,
Pinçant les nerfs, tapant le bois,
Faire luire à ton carreau morne
Ta lampe et ton front à la fois.

Je défends à toute guitare
De bourdonner aux alentours.
Ta rue est à moi. Je la barre
Pour y chercher seul mes amours.

Et je coupe les deux oreilles
Au premier racleur de jambon
Qui devant la chambre où tu veilles
Braille un couplet mauvais ou bon.

Dans sa gaine mon couteau bouge ;
Allons ! qui veut de l’incarnat ?
A son jabot qui veut du rouge
Pour faire un bouton de grenat ?

Le sang dans les veines s’ennuie,
Car il est fait pour se montrer ;
Le temps est noir, gare la pluie !
Poltrons, hâtez-vous de rentrer.

Sortez, vaillants, sortez, bravaches,
L’avant-bras couvert du manteau.
Que sur vos faces de gavaches
J’écrive des croix au couteau !

Qu’ils s’avancent ! Seuls ou par bande,
De pied ferme je les attends.