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sa personne, et très galant ; il m’a offert la boîte de pastilles avec beaucoup de grâce et tous les égards dus à mon sexe ; mais Juancho m’intéresse, et j’en ai une peur de tous les diables ! Il me regarde un peu comme ton chaperon, et serait capable de me rendre responsable de ta préférence pour un autre. Il te surveille de si près, qu’il serait bien difficile de lui cacher la moindre chose.

— À vous entendre, on croirait que j’ai déjà une affaire réglée avec ce monsieur, dont je me rappelle à peine les traits, répondit Militona en rougissant un peu.

— Si tu l’as oublié, il se souvient de toi, lui, je t’en réponds ; il pourrait faire ton portrait de mémoire ; il n’a pas cessé de te regarder tout le temps de la course ; on eût dit qu’il était en extase devant une Notre-Dame. »

En entendant ces témoignages qui confirmaient l’amour d’Andrès, Militona se pencha sur son ouvrage sans rien répondre ; un bonheur inconnu lui dilatait le cœur.

Juancho, lui, était bien loin de ces sentiments tendres ; enfermé dans sa chambre garnie d’épées et de devises de taureaux qu’il avait enlevées au péril de sa vie pour les offrir à Militona, qui n’en avait pas voulu, il se laissait aller à ce rabâchage intérieur des amants malheureux : il ne pouvait comprendre que Militona ne l’aimât point ; cette aversion