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prolongée, qui pouvait se prendre pour un soupir, gonfla sa poitrine oppressée.

« Il doit sans doute avoir quelque maîtresse, quelque fiancée, jeune, belle, élégante, avec de beaux chapeaux et de grands châles. Comme il serait bien avec une veste brodée en soie de couleur, à boutons de filigrane d’argent, des bottes piquées de Ronda, et un petit chapeau andalou ! Quelle taille fine il aurait, serré par une belle ceinture de soie de Gibraltar ! » se disait Militona conduisant son monologue, où, par un innocent subterfuge du cœur, elle revêtait Andrès d’un costume qui le rapprochait d’elle.

Elle en était là de sa rêverie, lorsque Aldonza, qui habitait la même maison, heurta à la porte.

« Tu ne sais pas, ma chère ? dit-elle à Militona, cet enragé de Juancho, au lieu d’aller panser son bras, s’est promené toute la nuit devant ta fenêtre, sans doute pour voir si le jeune homme du Cirque rôdait par là : il s’était fourré dans la tête que tu lui avais donné rendez-vous. Si cela avait été vrai, cependant ? comme ce serait commode ! Aussi, pourquoi ne l’aimes-tu pas, ce pauvre Juancho ? il te laisserait tranquille.

— Ne parlons pas de cela ; je ne suis pas responsable de l’amour que je n’ai provoqué en rien.

— Ce n’est pas, poursuivit la vieille, que le jeune cavalier de la place des Taureaux ne soit très bien de