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Ce projet arrêté, Andrès se leva, avala à la hâte une tasse de chocolat à l’eau, et se dirigea vers le Rastro, qui est comme le Temple de Madrid, l’endroit où l’on trouve tout, excepté une chose neuve. Il se sentait tout heureux et tout gai ; l’idée que la jeune fille ne pouvait pas l’aimer ou en aimer un autre ne lui était pas venue : il avait cette confiance qui trompe rarement, car elle est comme la divination de la sympathie ; l’ancien esprit d’aventure espagnol se réveillait en lui. Ce travestissement l’amusait, et, quoique l’infante à conquérir ne fût qu’une manola, il se promettait du plaisir à se promener sous sa fenêtre en manteau couleur de muraille ; le danger que l’effroi de la jeune fille faisait pressentir ôtait à cette conquête ce qu’elle pouvait avoir de vulgaire.

Tout en forgeant dans sa tête ces mille et mille stratagèmes qui s’écroulent les uns sur les autres et dont aucun ne peut servir à l’occasion, Andrès arriva au Rastro.

C’est un assez curieux endroit que le Rastro. Figurez-vous un plateau montueux, une espèce de butte entourée de maisons chétives et malsaines, où se pratiquent toutes sortes d’industries suspectes.

Sur ce tertre et dans les rues adjacentes se tiennent des marchands de bric-à-brac de bas aloi, fripiers, marchands de ferraille, de chiffons, de verres cassés, de tout ce qui est vieux, sale, déchiré,