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concentrée : car, pour cette âme entichée d’un grossier point d’honneur, les bravos n’effaçaient pas les sifflets ; il se regardait comme déshonoré et obligé aux plus téméraires prouesses pour se réhabiliter dans l’opinion publique et vis-à-vis de lui-même.

Mais ce qui l’occupait surtout, et ce qui portait sa fureur au plus haut degré, c’était de n’avoir pu quitter l’arène assez tôt pour rejoindre le jeune homme qui paraissait si galant auprès de Militona ; où le retrouver maintenant ? Sans doute il avait suivi la jeune fille, il lui avait parlé encore.

À cette idée, sa main tâtait machinalement sa ceinture pour y chercher son couteau.

Il s’assit sur l’autre chaise ; Militona, appuyée à la fenêtre, déchiquetait la capsule d’un œillet rouge effeuillé ; la vieille s’éventait par contenance ; un silence général régnait entre les trois personnages ; ce fut la vieille qui le rompit.

« Juancho, dit-elle, votre bras vous fait-il toujours souffrir ?

— Non, répondit le torero en attachant son regard profond sur Militona.

— Il faudrait y mettre des compresses d’eau et de sel », continua la vieille pour ne pas laisser tomber aussitôt la conversation.

Mais Juancho ne fit aucune réponse, et, comme dominé par une idée fixe, il dit à Militona : « Quel