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aura fait passer un mauvais quart d’heure. Je ne donnerais pas beaucoup d’argent de la peau de ce jeune homme, car elle court risque d’être fendue par de fameuses estafilades. Te rappelles-tu la belle aiguillette qu’il a levée sur ce Luca, qui voulait t’offrir un bouquet à la romeria de San-Isidro ?

— J’espère que Juancho ne se portera à aucune de ces fâcheuses extrémités ; j’ai prié ce jeune homme de ne plus m’adresser la parole, d’un ton si suppliant et si absolu, qu’il n’a plus rien dit à dater de ce moment ; il a compris mon effroi et en a eu pitié. Mais quelle affreuse tyrannie d’être ainsi poursuivie de cet amour féroce !

— C’est ta faute, dit la vieille ; pourquoi es-tu si jolie ? »

Un coup sec, frappé à la porte comme par un doigt de fer, interrompit la conversation des deux femmes.

La vieille se leva et alla regarder par le petit judas grillé et fermé d’un volet, pratiqué dans la porte à hauteur d’homme, selon l’usage espagnol.

À l’ouverture parut la tête de Juancho, pâle sous la teinte bronzée dont le soleil de l’arène l’avait revêtue.

Aldonza entrebâilla la porte et Juancho entra. Son visage trahissait les violentes émotions qui l’avaient agité dans le cirque ; on y lisait une rage