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des bas de soie étoilés de quelques gouttelettes de sang et tendus par une jambe nerveuse.

Vous avez sans doute déjà reconnu Juancho. En effet, c’était lui. Mais pour Perico, aucun lien ne rattachait Juancho à Militona et sa présence n’eût pas été un indice de l’endroit où demeurait la jeune fille. D’ailleurs, Juancho pouvait rentrer chez lui. C’était même la version la plus vraisemblable. Après une course aussi dramatique que celle-là, il devait avoir besoin de repos et d’appliquer quelques compresses sur l’égratignure de son bras, car les cornes du taureau sont venimeuses et font des blessures lentes à guérir.

Perico se dirigea d’un pas allongé du côté de l’obélisque du Deux-Mai, où Andrès lui avait donné rendez-vous. Autre anicroche. Andrès n’était pas seul, Doña Feliciana, qui était sortie pour quelque emplette avec une de ses amies qu’elle reconduisait, avait aperçu de sa voiture son fiancé se promenant avec une impatience nerveuse ; elle était descendue, ainsi que son amie, et, s’approchant d’Andrès, elle lui avait demandé si c’était pour composer un sonnet ou un madrigal qu’il errait ainsi sous les arbres à l’heure où les mortels moins poétiques se livrent à leur nourriture. Le malheureux Andrès, pris en flagrant délit de commencement d’intrigue, ne put s’empêcher de rougir un peu et balbutia quelques galanteries banales ; il enrageait