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III


Le jeune garçon devait venir rendre compte de sa mission à don Andrès, qui l’attendait en fumant un cigare dans une allée du Prado, aux environs du monument élevé aux victimes du 2 mai.

Tout en poussant devant lui les bouffées de tabac qui se dissipaient en bleuâtres spirales, Andrès faisait son examen de conscience, et ne pouvait guère s’empêcher de reconnaître qu’il était sinon amoureux, du moins très vivement préoccupé de la belle manola. Quand même la beauté de la jeune fille n’eût pas suffi pour mettre en feu le cœur le moins inflammable, l’espèce de mystère que semblait annoncer son effroi quand Andrès lui avait adressé la parole après l’accident arrivé à Juancho, ne pouvait manquer de piquer la curiosité de tout jeune homme un peu aventureux : à vingt-cinq ans, sans être don Quichotte de la Manche, l’on est toujours prêt à défendre les princesses que l’on suppose opprimées.

Feliciana, la demoiselle si bien élevée, que devenait-elle à travers tout cela ? Andrès en était assez embarrassé ; mais il se dit que son mariage avec elle ne devant avoir lieu que dans six mois, cette légère amourette aurait le temps d’être menée à bien,