Un effroi véritable, le sentiment d’un danger qu’Andrès ne pouvait comprendre, vibraient dans cette phrase brève, décochée de côté et qui paraissait être elle-même un péril de plus.
« Serait-ce une princesse déguisée ? se dit Andrès assez intrigué et incertain du parti qu’il devait prendre. Si je me tais, j’aurai l’air d’un sot ou tout au moins d’un don Juan médiocre ; si je persiste, peut-être attirerai-je à cette belle enfant quelque scène désagréable. Aurait-elle peur de la duègne ? Non ; puisque cette aimable gaillarde a dévoré toutes mes pastilles, elle est un peu complice, et ce n’est pas elle que redoute mon infante. Y aurait-il ici autour quelque père, quelque frère, quelque mari ou quelque amant jaloux ? »
Personne ne pouvait être rangé dans aucune de ces catégories parmi les gens qui entouraient Militona ; ils avaient des airs effacés et des physionomies vagues : évidemment nul lien ne les rattachait à la belle manola.
Jusqu’à la fin de la course, Juancho ne regarda pas une seule fois du côté du tendido, et dépêcha les deux taureaux qui lui revenaient avec une maestria sans égale ; on l’applaudit aussi furieusement qu’on l’avait sifflé.
Andrès, soit qu’il jugeât prudent de ne pas renouer l’entretien après cette phrase, dont le ton alarmé et suppliant l’avait touché, soit qu’il ne trouvât