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mant, et se trouver au milieu d’un cirque, sous la pression des regards de douze mille spectateurs, ayant à deux pouces de la poitrine les cornes brûlantes d’une bête farouche qu’on ne peut tuer qu’à un certain endroit et d’une certaine manière, sous peine d’être déshonoré !

Le torero, redevenu maître de la juridiction, comme on dit en argot tauromachique, s’établit solidement sur ses talons, et fit plusieurs passes avec la muleta pour forcer le taureau à baisser la tête.

« Que pouvait lui dire ce jeune homme, ce drôle, à qui elle souriait si doucement ? » pensait Juancho, oubliant qu’il avait devant lui un adversaire redoutable ; et involontairement il releva les yeux.

Le taureau, profitant de cette distraction, fondit sur l’homme ; celui-ci, pris de court, fit un saut en arrière, et, par un mouvement presque machinal, porta son estocade au hasard ; le fer entra de quelques pouces ; mais, poussé dans un endroit défavorable, il rencontra l’os et, secoué par la bête furieuse, rejaillit de la blessure avec une fusée de sang et alla retomber à quelques pas plus loin. Juancho était désarmé et le taureau plein de vie ; car ce coup perdu n’avait fait qu’exaspérer sa rage. Les chulos accoururent, faisant onduler leurs capes roses et bleues.

Militona avait légèrement pâli ; la vieille poussait