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de ton reste, saute, gambade, tu ne seras pas si gai tout à l’heure : Juancho va te calmer. »

En effet, Juancho marchait vers la bête monstrueuse de ce pas ferme et délibéré qui fait rétrograder même les lions.

Le taureau, étonné de se voir encore un adversaire, s’arrêta, poussa un sourd beuglement, secoua la bave de son mufle, gratta la terre de son sabot, pencha deux ou trois fois la tête et recula de quelques pas.

Juancho était superbe à voir : sa figure exprimait la résolution immuable ; ses yeux fixes, dont les prunelles entourées de blanc semblaient des étoiles de jais, dardaient d’invisibles rayons qui criblaient le taureau comme des flèches d’acier ; sans en avoir la conscience, il lui faisait subir ce magnétisme au moyen duquel le belluaire Van Amburg envoyait les tigres tremblants se blottir aux angles de leur cage.

Chaque pas que l’homme faisait en avant, la bête féroce le faisait en arrière.

À ce triomphe de la force morale sur la force brute, le peuple, saisi d’enthousiasme, éclata en transports frénétiques ; c’étaient des applaudissements, des cris, des trépignements à ne pas s’entendre ; les amateurs secouaient à tour de bras les espèces de sonnettes et de tam-tams qu’ils apportent à la course pour émettre le plus de bruit possible.