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et il fit un imperceptible mouvement de tête, espèce de salut d’intelligence comme s’en permettent quelquefois les acteurs en scène.

« Militona, dit la vieille à voix basse, Juancho nous a vues ; prends garde à te bien tenir ; ce jeune homme te fait les doux yeux, et Juancho est jaloux.

— Qu’est-ce que cela me fait ? répondit Militona sur le même ton.

— Tu sais qu’il est homme à faire avaler une langue de bœuf à quiconque lui déplaît.

— Je ne l’ai pas regardé, ce monsieur, et d’ailleurs ne suis-je pas ma maîtresse ? »

En disant qu’elle n’avait pas regardé Andrès, Militona faisait un petit mensonge. Elle ne l’avait pas regardé, les femmes n’ont pas besoin de cela pour voir, mais elle aurait pu faire de sa personne la description la plus minutieuse.

En historien véridique, nous devons dire qu’elle trouvait don Andrès de Salcedo ce qu’il était en effet, un fort joli cavalier.

Andrès, pour avoir un moyen de lier conversation, fit signe à l’un de ces marchands d’oranges, de fruits confits, de pastilles et autres douceurs, qui se promènent dans le corridor de la place, et offrent au bout d’une perche leurs sucreries et leurs dragées aux spectateurs qu’ils soupçonnent de galanterie. La voisine d’Andrès était si jolie, qu’un