Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

en a demandé pour le faire. Les connaisseurs ne croyaient pas l’estimer trop cher au prix de dix mille réaux. Porté par Juancho, il en valait vingt mille !

La dernière fanfare avait résonné ; l’arène était vide de chiens et de muchachos. C’était le moment. Les picadores, rabaissant sur l’œil droit de leur monture le mouchoir qui doit les empêcher de voir arriver le taureau, se joignaient au cortège, et la troupe déboucha en bon ordre dans la place.

Un murmure d’admiration accueillit Juancho quand il vint s’agenouiller devant la loge de la reine ; il plia le genou de si bonne grâce, d’un air à la fois si humble et si fier, et se releva si moelleusement, sans effort ni saccade, que les vieux aficionados eux-mêmes dirent : « Ni Pepé Illo, ni Romero, ni José Candido, ne s’en fussent mieux acquittés. »

L’alguazil à cheval, en costume noir de familier de la Sainte-Hermandad, alla, selon la coutume, au milieu des huées générales, porter la clef du toril au garçon de service, et, cette formalité accomplie, se sauva au plus grand galop qu’il put, chancelant sur sa selle, perdant les étriers, embrassant le col de sa monture, et donnant à la populace cette comédie de l’effroi, toujours si amusante pour les spectateurs à l’abri de tout danger.

Andrès, tout heureux de la rencontre qu’il avait