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liarité insouciante et joviale de gens qui courent ensemble les mêmes chances ; il ne repoussait pas les avances, mais il n’en faisait aucune, et, quoique Andalou, il était volontiers taciturne. Cependant quelquefois il semblait vouloir se dérober à sa mélancolie, et se livrait aux élans désordonnés d’une joie factice. Il buvait outre mesure, lui si sobre ordinairement, faisait du vacarme dans les cabarets, dansait des cachuchas endiablées, et finissait par des querelles absurdes où le couteau ne tardait pas à briller ; puis, l’accès passé, il retombait dans sa taciturnité et dans sa rêverie.

Diverses conversations se tenaient simultanément parmi les groupes : on parlait d’amour, de politique et surtout de taureaux.

« Que pense Votre Grâce, disait, avec ces belles formules cérémonieuses de la langue espagnole, un torero à un autre, du taureau noir de Mazpule ? A-t-il la vue basse, comme le prétend Arjona ?

— Il est myope d’un œil et presbyte de l’autre ; il ne faut pas s’y fier.

— Et le taureau de Lizaso, vous savez, celui de couleur pie, de quel côté pensez-vous qu’il donne le coup de corne ?

— Je ne saurais le dire, je ne l’ai pas vu à l’œuvre ; quel est votre avis, Juancho ?

— Du côté droit, répondit celui-ci comme ré-