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d’une assez grande valeur, et montrait, comme tout le reste du costume, que le possesseur appartenait à l’aristocratie de sa profession. Son mono de rubans neufs, lié à la petite mèche de cheveux réservée exprès, s’épanouissait derrière sa nuque en touffe opulente ; sa montera, du plus beau noir, disparaissait sous des agréments de soie de même couleur, et se nouait sous son menton par des jugulaires qui n’avaient jamais servi ; ses escarpins, d’une petitesse extraordinaire, auraient fait honneur au plus habile cordonnier de Paris, et eussent pu servir de chaussons à une danseuse de l’Opéra.

Cependant Juancho, tel était son nom, n’avait pas l’air ouvert et franc qui convient à un beau garçon bien habillé et qui va tout à l’heure se faire applaudir par les femmes : l’appréhension de la lutte prochaine troublait-elle sa sérénité ? Les périls que courent les combattants dans l’arène, et qui sont beaucoup moins grands qu’on ne pense, ne devaient avoir rien de bien inquiétant pour un gaillard découplé comme Juancho. Avait-il vu en rêve un taureau infernal portant sur des cornes d’acier rougi un matador embroché ?

Rien de tout cela ! Telle était l’attitude habituelle de Juancho, surtout depuis un an ; et sans qu’il fût précisément en état d’hostilité avec ses camarades, il n’existait pas entre eux et lui cette fami-