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semaine, l’heure qui précède la course et celle qui la suit : la nécessité de faire plusieurs voyages en peu de temps force les conducteurs à extraire à coups de trique de leurs mules toute la vitesse possible ; et, il faut le dire, cette nécessité s’accorde assez bien avec leur penchant.

Andrès s’avançait de ce pas alerte et vif particulier aux Espagnols, les premiers marcheurs du monde, faisant sauter joyeusement dans sa poche, parmi quelques douros et quelques piécettes, son billet de sombra (place à l’ombre), tout près de la barrière ; car, dédaignant l’élégance des loges, il préférait s’appuyer aux cordes qui sont censées devoir empêcher le taureau de sauter parmi les spectateurs, au risque de sentir à son coude le coude bariolé d’une veste de paysan, et dans ses cheveux la fumée de cigarette poussée par un manolo ; car, de cette place, l’on ne perd pas un seul détail du combat, et l’on peut apprécier les coups à leur juste valeur.

Malgré son futur mariage, don Andrès ne se privait nullement de la distraction de regarder les jolis visages plus ou moins voilés par les mantilles de dentelles, de velours ou de taffetas. Même si quelque beauté passait, l’éventail ouvert sur le coin de la joue, en manière de parasol, pour préserver des âcres baisers du hâle la fraîche pâleur d’un teint délicat, il allongeait le pas, et, se retournant ensuite sans