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Toutes les estocades qu’il donnait étaient portées de haut en bas entre les épaules de la bête, entrées jusqu’à la garde, et les taureaux tombaient foudroyés à ses pieds, sans que le cachetero ait eu besoin de venir terminer leur agonie avec son poignard.


« Tudieu, disait Andrès, Montès, le Chiclanero, Arjona, Labi et les autres n’ont qu’à se bien tenir ; Juancho les dépassera tous, si ce n’est déjà fait. »

Mais une semblable fête ne devait pas se renouveler ; Juancho atteignit cette fois aux plus hautes sublimités de l’art ; il fit des prodiges qu’on ne reverra plus. Militona elle-même ne put s’empêcher de l’applaudir ; Andrès trépignait ; le délire était au comble, des exclamations frénétiques saluaient chaque mouvement de Juancho.

On lâcha le sixième taureau.

Alors il se passa une chose extraordinaire, inouïe ; Juancho, après avoir manégé supérieurement le taureau et fait des passes de muleta inimitables, prit son épée, et au lieu de l’enfoncer dans le col de l’animal, comme on s’y attendait, la jeta en l’air avec tant de force qu’elle fut se planter dans la terre en pirouettant à vingt pas de lui.

« Que va-t-il faire ? s’écria-t-on de toutes parts. Ce n’est pas du courage, c’est de la folie ! quelle nouvelle invention est-ce là ? Va-t-il tuer le taureau