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eût disparu de ce masque, l’âge mûr n’y avait pas mis son empreinte.

Ce visage, cette tournure ne semblaient pas inconnus à Andrès ; mais cependant il ne pouvait démêler ses souvenirs.

Militona n’avait pas hésité un seul instant. Malgré son peu de ressemblance avec lui-même, elle avait tout de suite reconnu Juancho !

Ce profond changement opéré en si peu de temps l’effraya, en lui montrant quelle passion terrible était celle qui avait ravagé à ce point cet homme de bronze et d’acier.

Elle ouvrit précipitamment son éventail pour cacher sa figure et se jeter en arrière en disant à Andrès d’une voix brève : « C’est Juancho. »

Mais elle s’était reculée trop tard ; le torero l’avait vue ; il lui fit de la main comme une espèce de salut.

« Tiens, c’est Juancho, reprit Andrès ; le pauvre diable est bien changé, il a vieilli de dix ans. Ah ! c’est lui qui est la nouvelle épée dont on parle tant : il a repris le métier.

— Mon ami, allons-nous-en, dit Militona à son mari ; je ne sais pourquoi je me sens toute troublée ; il me semble qu’il va se passer quelque chose de terrible.

— Que veux-tu qu’il arrive, répondit Andrès, si ce n’est les chutes de picadores et les éventrements de chevaux obligatoires ?