Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ainsi qu’elle l’avait dit, Militona n’avait pas voulu entrer tout de suite dans le monde, où son union avec Andrès lui donnait droit de tenir un rang ; elle aurait craint de faire rougir Andrès par quelque charmante ignorance ; et dans cette heureuse retraite elle était venue oublier les étonnements naïfs de la pauvreté.

Elle avait gagné singulièrement au physique et au moral. Sa beauté, qu’on aurait pu croire parfaite, avait augmenté. Quelquefois, dans l’atelier d’un grand sculpteur, on voit une statue admirable qui vous semble finie, mais l’artiste trouve encore moyen d’ajouter de nouvelles perfections à ce que l’on croyait achevé.

Il en était ainsi de la beauté de Militona ; le bonheur lui avait donné le suprême poli ; mille détails charmants étaient devenus d’une délicatesse exquise par les recherches et les soins que permet la fortune. Ses mains, d’une forme si pure, avaient blanchi ; les quelques maigreurs causées par le travail et le souci du lendemain s’étaient comblées. Les lignes de son beau corps ondulaient plus moelleuses, avec la sécurité de la femme et de la femme riche. Son heureuse nature s’épanouissait en toute liberté et jetait ses fleurs, ses parfums et ses fruits ; son esprit vierge recevait toutes les notions et se les assimilait avec une facilité extrême. Andrès jouissait du plaisir de voir naître, pour ainsi dire, dans la