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Dans ce moment, le soleil se couchait et teignait les cimes neigeuses d’un rose à qui rien ne peut se comparer : un rose tendre et frais, lumineux et vivant, un rose idéal, divin, d’une nuance introuvable ailleurs qu’au paradis ou à Grenade ; un rose de vierge écoutant pour la première fois un aveu d’amour.

Un jeune homme et une jeune femme, appuyés l’un près de l’autre au balcon, admiraient ensemble ce sublime spectacle : le bras du jeune homme reposait sur la taille de la jeune femme, avec le chaste abandon de l’amour partagé.

Après quelques minutes de contemplation silencieuse, la jeune femme se releva et fit voir un visage charmant, qui n’était autre, comme nos lecteurs l’ont sans doute deviné, que celui de Mme Andrès de Salcedo, ou Militona, si ce nom, sous lequel ils l’ont connue plus longtemps, leur plaît davantage.

Il n’est pas besoin de dire que ce jeune homme était Andrès.

Aussitôt le mariage conclu, Andrès et sa femme étaient partis pour Grenade, où il possédait une maison venant d’héritage d’un de ses oncles. Feliciana avait suivi sir Edwards à Londres. Chaque couple cédait ainsi à son instinct : le premier cherchait le soleil et la poésie, le second la civilisation et le brouillard.