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et doña Feliciana, peu touchée de son excuse, lui dit d’un ton assez inhumain :

« Cela ne sera rien ; nous devrions bien le chanter ensemble encore une fois pour être plus sûrs de notre effet. Voulez-vous prendre ma place au piano et avoir la complaisance d’accompagner ? »

Le pauvre garçon jeta un regard mélancolique sur la pendule ; il était déjà quatre heures ; il ne put réprimer un soupir, et laissa tomber ses mains désespérées sur l’ivoire du clavier.

Le duo achevé sans trop d’encombre, Andrès lança encore vers la pendule, où la Esméralda continuait d’instruire sa chèvre, un coup d’œil furtif qui fut surpris au passage par Feliciana.

« L’heure paraît vous intéresser beaucoup aujourd’hui, dit Feliciana ; vos yeux ne quittent pas le cadran.

— C’est un regard vague et machinal.... Que m’importe l’heure quand je suis près de vous ? »

Et il s’inclina galamment sur la main de Feliciana pour y poser un baiser respectueux.

« Les autres jours de la semaine, je suis persuadée que la marche des aiguilles vous est fort indifférente ; mais le lundi c’est tout autre chose....

— Et pourquoi cela, âme de ma vie ? Le temps ne coule-t-il pas toujours aussi rapide, surtout quand on a le bonheur de faire de la musique avec vous ?