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Mais Juancho ne répondit pas, et tomba évanoui tout de son long sur le chemin, comme tombe un corps mort, pour nous servir de la formule dantesque.

« Est-ce qu’il se serait brisé quelque vaisseau dans le corps ? dit le bouvier tout effrayé. N’importe, puisque c’est en me rendant service que l’accident lui est arrivé, je vais le charger sur ma charrette et je le déposerai à San Agustin, ou bien à Alcobendas, dans quelque auberge. »

L’évanouissement de Juancho dura peu, bien qu’on n’eût employé pour le faire cesser ni sels ni esprits, choses dont les bouviers sont généralement dépourvus ; mais le torero n’était pas une petite maîtresse.

Le bouvier le couvrit de sa mante. Juancho avait la fièvre, et il éprouvait une sensation inconnue jusqu’alors à son corps de fer, la maladie !

Arrivé à la posada de San Agustin, il demanda un lit et se coucha.

Il dormit d’un sommeil de plomb, de ce sommeil invincible qui s’empare des prisonniers indiens au milieu des tortures que leur inflige l’ingénieuse cruauté des vainqueurs, et dont s’endorment les condamnés à mort le matin du jour de leur exécution.

Les organes brisés refusent à l’âme de lui donner les moyens de souffrir.