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que faire ? Jamais je ne pourrai vivre une minute tranquille sur cette terre ! Dominguez est bien heureux que le taureau l’ait tué, lui qui aimait aussi Militona ! J’ai pourtant fait ce que j’ai pu pour le sauver ! Et elle qui m’accusait de l’avoir abandonné dans le péril ! car non seulement elle me hait, mais encore elle me méprise. O ciel ! c’est à devenir fou de rage ! »

Et en disant ces mots, il se leva d’un bond et reprit sa course à travers les champs.

Il erra ainsi tout le jour, la tête perdue, l’œil hagard, les poings contractés ; des hallucinations cruelles lui représentaient Andrès et Militona se promenant ensemble, se tenant la main, s’embrassant, se regardant d’un air de langueur, sous les aspects les plus poignants pour un cœur jaloux ! Toutes ces scènes se peignaient de couleurs si vives, s’empreignaient d’une réalité si frappante, qu’il s’élança plus d’une fois en avant comme pour percer Andrès ; mais il n’atteignait que l’air et se réveillait tout surpris de sa vision.

Les formes des objets commençaient à se confondre à sa vue ; il se sentait les tempes serrées ; un cercle de fer lui pressait la tête, ses yeux brûlaient, et, malgré la sueur qui ruisselait sur sa figure et les rayons d’un soleil de juin, il avait froid.

Un bouvier dont la charrette avait versé, la roue ayant