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Militona en se retirant du côté de la fenêtre, comme pour laisser le champ libre à l’impertinence de Feliciana et lui dire tacitement : « Vous êtes chez moi, je ne vous chasse pas, je ne le puis ; mais je trace une ligne de démarcation entre vos insultes et ma patience d’hôtesse. »

Commençant à être assez embarrassée de sa contenance, Feliciana fouettait la pointe de sa bottine avec le bout d’ivoire de son ombrelle.

Il se fit un moment de silence.

Don Geronimo rechercha à l’angle de sa tabatière une pincée de polvo sevillano (tabac jaune), qu’il porta à son nez vénérable avec un geste d’aisance qui sentait le bon vieux temps.

Sir Edwards, pour ne pas se compromettre, prit un air bête si parfaitement imité, qu’on aurait pu le croire véritable.

La tia Aldonza, les yeux écarquillés, la lèvre tombante, admirait dévotement la vertigineuse toilette de Feliciana : ce tapage de bleu de ciel, de jaune, de rose, de vert-pomme, de lilas, la faisait tomber dans un ébahissement naïf. Jamais elle ne s’était trouvée face à face avec de pareilles splendeurs.

Quant à Andrès, il enveloppait d’un long regard de protection et d’amour Militona, qui, placée à l’autre bout de la chambre, rayonnait de beauté, et il s’étonnait d’avoir jamais eu l’idée d’épouser Feliciana,