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femme de chambre anglaise ne voudrait pas.

Doña Feliciana était habillée à la mode d’il y a deux ans ; il va sans dire que sa toilette n’avait rien d’espagnol : elle possédait à un haut degré cette suprême horreur de tout ce qui est pittoresque et caractéristique, qui distingue les femmes comme il faut ; sa robe, d’une couleur indécise, était semée de petits bouquets presque invisibles ; l’étoffe en avait été apportée d’Angleterre et passée en fraude par les hardis contrebandiers de Gibraltar ; la plus couperosée et la plus revêche bourgeoise n’en eût pas choisi une autre pour sa fille. Une pèlerine garnie de valenciennes ombrait modestement les charmes timides que l’échancrure du corsage, commandée par la gravure de mode, eût pu laisser à découvert. Un brodequin étroit moulait un pied qui, pour la petitesse et la cambrure, ne démentait point son origine.

C’était, du reste, le seul indice de sa race qu’eût conservé doña Feliciana ; on l’eût prise d’ailleurs pour une Allemande ou une Française des provinces du Nord ; ses yeux bleus, ses cheveux blonds, son teint uniformément rosé, répondaient aussi peu que possible à l’idée que l’on se fait généralement d’une Espagnole d’après les romances et les keepsakes. Elle ne portait jamais de mantille et n’avait pas le moindre stylet à sa jarretière. Le fandango