Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

dégustent l’amour comme une glace par petites cuillerées, et attendent pour le mieux savourer… qu’il soit fondu, aurait dû enlever à Andrès bien des nuances, bien des gradations charmantes par sa soudaineté sauvage. Une femme du monde eût préparé six mois l’effet de ce mot ; mais Militona n’était pas du monde.

Don Geronimo, ayant reçu la lettre d’Andrès, la porta à sa fille, et lui dit d’un air de jubilation :

« Tiens, Feliciana, une lettre de ton fiancé. »



IX


Feliciana prit d’un air assez dédaigneux le papier que lui tendait son père, fit la remarque qu’il n’était nullement glacé et dit :

« Une lettre sans enveloppe et fermée avec un pain à cacheter ! Quelle faute de savoir-vivre ! mais il faut pardonner quelque chose à la rigueur de la situation. Pauvre Andrès ! quoi ! pas même un cahier de papier à lettres Victoria ! pas même un bâton de cire d’Alcroft Regents’-quadrant ! Qu’il doit être malheureux ! A-t-on idée d’une feuille de chou pareille, sir Edwards ? ajouta-t-elle en passant, après l’avoir lue, la lettre au jeune gentleman du Prado, fort assidu dans la maison depuis l’absence d’Andrès.