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— Et ce terrible Juancho, me permettez-vous quelques questions sur son compte ?

— Ne vous ai-je pas dit, sous la pointe de son couteau, que je vous aimais ? N’ai-je pas ainsi répondu d’avance à tout ? » répliqua la jeune fille en tournant vers Andrès ses yeux illuminés d’innocence, son front radieux de sincérité.

Tous les doutes qui avaient pu s’élever dans son esprit à l’endroit de la liaison du torero et de la jeune fille s’évanouirent comme une vaine fumée.

« Du reste, si cela peut vous faire plaisir, cher malade, je vous raconterai mon histoire et la sienne en quatre mots. Commençons par moi. Mon père, obscur soldat, a été tué pendant la guerre civile en combattant comme un héros pour la cause qu’il croyait la meilleure. Ses hauts faits seraient chantés par les poètes si, au lieu d’avoir eu pour théâtre quelque gorge étroite de montagne dans une sierra de l’Aragon, ils avaient été accomplis sur quelque champ de bataille illustre. Ma digne mère ne put survivre à la perte d’un époux adoré, et je restai orpheline à treize ans, sans autres parents au monde qu’Aldonza, pauvre elle-même, et qui ne pouvait m’être d’un grand secours.

« Cependant, comme il me faut bien peu, j’ai vécu du travail de mes mains sous ce ciel indulgent de l’Espagne, qui nourrit ses enfants de soleil et de lumière ; ma plus grande dépense, c’était d’aller voir