Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

escalier, tenant sur la paume de sa main le vase plein d’un lait écumant.

« J’espère, monsieur, que je ne vous ai pas laissé longtemps seul. Quatre-vingts marches à descendre et surtout à monter !

— Vous êtes vive et preste comme un oiseau. Tout à l’heure ce noir escalier devait ressembler à l’échelle de Jacob.

— Pourquoi ? demanda Militona avec la plus parfaite naïveté, ne se doutant pas qu’on lui tendait un madrigal.

— Parce qu’il en descendait un ange, répondit Andrès en attirant à ses lèvres une des mains de Militona, qui venait de faire deux parts du lait.

— Allons, flatteur, mangez et buvez ce qui vous revient : vous m’appelleriez archange que vous n’en auriez pas davantage. »

Elle lui tendit une tasse brune, à demi pleine, avec un petit quartier de ce délicieux pain mat et serré, d’une blancheur éblouissante, particulier à l’Espagne.

« Vous faites maigre chère, mon pauvre ami ; mais, puisque vous avez pris un habit d’enfant du peuple, il faut vous résoudre aussi au déjeuner qu’aurait fait celui dont vous avez revêtu le costume : cela vous apprendra à vous déguiser. »

En disant cela elle soufflait la mousse légère qui couronnait sa tasse, et buvait à petites gorgées. Une