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indigence, cette nudité virginale plaisaient à l’âme ; la pauvreté innocente et fière a sa poésie. Il faut donc réellement si peu de chose pour la vie d’un être charmant !

En comparant cette chambre si simple à l’appartement prétentieux et de mauvais goût de doña Feliciana, Andrès trouva la pendule, les rideaux, les statuettes et les petits chiens de verre filé de sa fiancée encore plus ridicules.

Un tintement argentin se fit entendre dans la rue.

C’était le troupeau des chèvres laitières qui passaient en agitant leurs sonnettes.

« Voilà mon déjeuner qui arrive, dit gaiement Militona en posant son ouvrage sur la table ; il faut que je descende pour l’arrêter au passage ; je vais aujourd’hui prendre un pot plus grand, puisque nous sommes deux et que le médecin vous a permis de manger quelque chose.

— Vous n’aurez pas en moi un convive difficile à nourrir, répondit Andrès en souriant.

— Bah ! l’appétit vient en mangeant, lorsque le pain est blanc et le lait pur ; et mon fournisseur ne me trompe pas. »

En disant ces mots, elle disparut en fredonnant à mi-voix un couplet de vieille chanson. Au bout de quelques minutes elle revint les joues roses, la respiration haute d’avoir monté si vite les marches du roide