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Pendant que doña Feliciana lutte contre son piano, et que don Andrès reste debout derrière elle, ne sachant s’il doit franchement interrompre ce vacarme intime ou révéler sa présence par une toux discrète, il ne sera peut-être pas hors de propos de jeter un coup d’œil sur l’endroit où la scène se passe.

Une teinte plate à la détrempe couvrait les murs ; de fausses moulures, de feints encadrements à la grisaille entouraient les fenêtres et les portes. Quelques gravures à la manière noire, venues de Paris, Souvenirs et Regrets, les Petits Braconniers, Don Juan et Haydée, Mina et Brenda, étaient suspendues, dans la plus parfaite symétrie, à des cordons de soie verte. Des canapés de crin noir, des chaises assorties au dos épanoui en lyre, une commode et une table d’acajou ornées de têtes de sphinx en cadenettes, souvenirs de la conquête d’Égypte, une pendule représentant la Esméralda faisant écrire à sa chèvre le nom de Phébus, et flanquée de deux chandeliers sous globe, complétaient cet ameublement de bon goût.

Des rideaux de mousseline suisse à ramages prétentieusement drapés et rehaussés de toutes sortes d’estampages garnissaient les croisées et reproduisaient d’une façon désastreusement exacte les dessins que les tapisseries de Paris font paraître dans les journaux de modes ou par cahiers lithographiés.