Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

fixes, la bouche ouverte avec son cri figé, comme si elle eût été changée en pierre.

Il est vrai que la tête du torero, ainsi encadrée, n’avait rien de rassurant : une auréole rouge cernait ses yeux ; il était livide, et ses pommettes, abandonnées par le sang, faisaient deux taches blanches dans sa pâleur ; ses narines dilatées palpitaient comme celles des bêtes féroces flairant une proie ; ses dents mordaient sa lèvre toute gonflée de leurs empreintes. La jalousie, la fureur et la vengeance combattaient sur cette physionomie bouleversée.

« Notre-Dame d’Almudena, marmotta la vieille, si vous nous sauvez de ce péril, je vous dirai une neuvaine et vous donnerai un cierge à feston et à poignée de velours »

Tout courageux qu’il fût, Andrès éprouva ce sentiment de malaise que les hommes les plus braves ressentent en face d’un péril contre lequel ils sont sans défense ; il étendit machinalement la main comme pour chercher quelque arme.

Voyant qu’on n’ouvrait pas, Juancho appuya son épaule et fit une pesée ; les ais crièrent et le plâtre commença à se détacher autour des gonds et de la serrure.

Militona, se posant devant Andrès, dit d’une voix ferme et calme à la vieille, folle de terreur :

« Aldonza, ouvrez, je le veux. »