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se dérobaient sous lui, le sang montait à sa tête par folles vagues, et il lui passait des flammes dans les yeux. A plusieurs reprises il fut obligé de s’accrocher à la rampe pour ne pas tomber et rouler comme un corps inerte à travers l’escalier, tant il souffrait atrocement de l’âme.

A chaque degré il répétait, en grinçant comme une bête fauve :

« Dans sa chambre !... dans sa chambre !... » Et machinalement il ouvrait et il fermait son long couteau d’Albacète, qu’il avait tiré de sa ceinture.

Il arriva enfin devant la porte, et là, retenant sa respiration, il écouta.

Tout était tranquille dans l’intérieur de la chambre, et Juancho n’entendit plus que le sifflement de ses artères et les battements sourds de son cœur.

Que se passait-il dans cette chambre silencieuse, derrière cette porte, faible rempart qui le séparait de son ennemi ? Militona, compatissante et tendrement inquiète, se penchait sans doute vers la couche du blessé pour épier son sommeil et calmer ses souffrances.

« Oh ! se dit-il, si j’avais su qu’il ne fallait qu’un coup de couteau dans la poitrine pour te plaire et t’attendrir, ce n’est pas à lui, mais à moi, que je l’aurais donné ; dans ce funeste combat, je me serais découvert exprès pour tomber mourant devant