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mieux, c’est qu’on ne le retrouvât pas. Souhaitez-le pour lui. »

Le pauvre Geronimo se retira très penaud et très honteux de son peu de perspicacité. Lui qui connaissait Andrès depuis l’enfance et l’avait fait sauter tout petit sur ses genoux, il ne se doutait pas le moins du monde qu’il avait recueilli dans sa maison un conspirateur d’une espèce si dangereuse. Il admirait avec terreur la sagacité effrayante de la police, qui, en si peu de temps, avait découvert un secret qu’il n’avait jamais soupçonné, lui qui pourtant voyait tous les jours le criminel, et l’avait méconnu au point de vouloir en faire son gendre.

L’étonnement de Feliciana fut au comble lorsqu’elle apprit qu’elle avait été courtisée avec tant d’assiduité par le chef d’un complot carliste aux immenses ramifications. Quelle force d’âme il fallait qu’eût don Andrès pour ne rien laisser transparaître de ses hautes préoccupations politiques, et répéter avec tant de flegme des duos de Bellini ! Fiez-vous donc après cela aux airs reposés, aux mines tranquilles, aux yeux sereins, aux bouches souriantes ! Qui eût dit qu’Andrès, qui ne prenait feu que pour les courses de taureaux et ne paraissait avoir d’autre opinion que de préférer Sevilla à Rodriguez, le Chiclanero à Arjona, cachait de si vastes pensées sous cette frivolité apparente ?