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y aurait eu lutte ; le gilet et le pantalon n’auraient pas eu cette fraîcheur : ils seraient tordus, fripés, déchirés, on ne pouvait supposer qu’Andrès de Salcedo se fût déshabillé lui-même avec précaution avant la perpétration du crime et livré tout nu aux poignards de ses assassins pour ménager ses hardes : c’eût été une petitesse !

Il y avait vraiment de quoi casser contre les murs des têtes plus fortes que celles d’Argamasilla et de Covachuelo.

Covachuelo, qui était le plus logicien des deux, après s’être tenu pendant un quart d’heure les tempes à deux mains pour empêcher l’intensité de la méditation de faire éclater son front de génie, émit cette idée triomphante :

« Si le seigneur Andrès de Salcedo n’est pas mort, il doit être vivant, car ce sont les deux manières d’être de l’homme ; je n’en connais pas une troisième. »

Argamasilla fit un signe de tête en manière d’adhésion.

« S’il vit, ce dont j’ai la persuasion, il ne doit pas aller sans vêtement, more ferarum. Il n’avait aucun paquet en sortant de chez lui ; et, comme voilà ses habits, il doit en avoir acheté d’autres nécessairement, car il n’est pas supposable que dans cette civilisation avancée un homme se contente du vêtement adamique. »