en vérité, comment je ne l’ai pas fait crever ou rendu tout au moins poussif. — Peu à peu toute cette grande ardeur s’est apaisée. J’ai mis mon cheval au trot, puis au pas, puis j’en suis venu à le monter si nonchalamment, que souvent il s’arrête et que je ne m’en aperçois pas : le plaisir s’est tourné en habitude beaucoup plus promptement que je ne l’aurais cru. — Quant à Ferragus, c’est ainsi que je l’ai nommé, c’est bien la plus charmante bête que l’on puisse voir. Il a des barbes aux pieds comme du duvet d’aigle ; il est vif comme une chèvre et doux comme un agneau. Tu auras le plus grand plaisir à galoper dessus quand tu viendras ici ; et, quoique ma fureur d’équitation soit bien tombée, je l’aime toujours beaucoup, car il a un très-estimable caractère de cheval, et je le préfère sincèrement à beaucoup de personnes. Si tu entendais comme il hennit joyeusement quand je vais le voir à son écurie, et avec quels yeux intelligents il me regarde ! J’avoue que je suis touché de ces témoignages d’affection, que je lui prends le cou et que je l’embrasse aussi tendrement, ma foi, que si c’était une belle fille.
J’avais aussi un autre désir, plus vif, plus ardent, plus perpétuellement éveillé, plus chèrement caressé, et auquel j’avais bâti dans mon âme un ravissant château de cartes, un palais de chimères, détruit bien souvent et relevé avec une constance désespérée : — c’était d’avoir une maîtresse, — une maîtresse tout à fait à moi. — comme le cheval. — Je ne sais pas si la réalisation de ce rêve m’aurait aussi promptement trouvé froid que la réalisation de l’autre ; — j’en doute. Mais peut-être ai-je tort, et en serai-je aussi vite lassé. — Par une disposition spéciale, je désire si frénétiquement ce que je désire, sans toutefois rien faire pour me le procurer, que si par hasard, ou autrement, j’arrive à l’objet de