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MADEMOISELLE DE MAUPIN.
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« Ô très-élégiaque et très-perspicace jeune homme ! je suis bien véritablement une jeune et pudique beauté, qui vous adore par-dessus le marché, et qui ne demande qu’à vous faire plaisir et à elle aussi. — Voyez si cela vous convient, et, s’il vous reste encore quelque scrupule, touchez ceci, allez en paix, et péchez le plus que vous pourrez. »

Ce beau discours achevé, je me laisserai tomber à demi pâmée dans ses bras, et, tout en poussant de mélancoliques soupirs, je ferai sauter adroitement l’agrafe de ma robe de façon à me trouver dans le costume de rigueur, c’est-à-dire à moitié nue. — D’Albert fera le reste, et j’espère que, le lendemain matin, je saurai à quoi m’en tenir sur toutes ces belles choses qui me troublent la cervelle depuis si longtemps. — En contentant ma curiosité, j’aurai de plus le plaisir d’avoir fait un heureux.

Je me propose aussi d’aller rendre à Rosette une visite dans le même costume, et de lui faire voir que, si je n’ai pas répondu à son amour, ce n’était ni par froideur ni par dégoût. — Je ne veux pas qu’elle garde de moi cette mauvaise opinion, et elle mérite, aussi bien que d’Albert, que je trahisse mon incognito en sa faveur. — Quelle mine fera-t-elle à cette révélation ? — Son orgueil en sera consolé, mais son amour en gémira.

Adieu, toute belle et toute bonne ; prie le bon Dieu que le plaisir ne me paraisse pas aussi peu de chose que ceux qui le dispensent. J’ai plaisanté tout le long de cette lettre, et cependant ce que je vais essayer est une chose grave et dont le reste de ma vie se peut ressentir.