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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

plus grand format. Leurs bévues historiques ou autres, leurs citations controuvées, leurs fautes de français, leurs plagiats, leur radotage, leurs plaisanteries rebattues et de mauvais goût, leur pauvreté d’idées, leur manque d’intelligence et de tact, leur ignorance des choses les plus simples qui leur fait volontiers prendre le Pirée pour un homme et M. Delaroche pour un peintre, fourniraient amplement aux auteurs de quoi prendre leur revanche, sans autre travail que de souligner les passages au crayon et de les reproduire textuellement ; car on ne reçoit pas avec le brevet de critique le brevet de grand écrivain, et il ne suffit pas de reprocher aux autres des fautes de langage ou de goût pour n’en point faire soi-même ; nos critiques le prouvent tous les jours. — Que si Châteaubriand, Lamartine et d’autres gens comme cela faisaient de la critique, je comprendrais qu’on se mît à genoux et qu’on adorât ; mais que MM. Z. K. Y. V. Q. X., ou telle autre lettre de l’alphabet entre Α et Ω, fassent les petits Quintiliens et vous gourmandent au nom de la morale et de la belle littérature, c’est ce qui me révolte toujours et me fait entrer en des fureurs non pareilles. Je voudrais qu’on fît une ordonnance de police qui défendît à certains noms de se heurter à certains autres. Il est vrai qu’un chien peut regarder un évêque, et que Saint-Pierre de Rome, tout géant qu’il soit, ne peut empêcher que ces Transtévérins ne le salissent par en bas d’une étrange sorte ; mais je n’en crois pas moins qu’il serait fou d’écrire au long de certaines réputations monumentales :

DÉFENSE DE DÉPOSER DES ORDURES ICI.

Charles X avait seul bien compris la question. En ordonnant la suppression des journaux, il rendait un grand service aux arts et à la civilisation. Les journaux sont des espèces de courtiers ou de maquignons qui s’interposent entre les artistes et le public, entre le roi et le peuple. On sait les belles choses qui en sont résultées. Ces aboiements perpétuels assourdissent l’inspiration, et jettent une telle méfiance dans les cœurs et dans les esprits, que l’on n’ose se fier ni à un poëte, ni à un gouvernement ; ce qui fait que la royauté et la poésie, ces deux plus grandes choses du monde, de-