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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

les hommes était poussée au dernier degré d’exagération, et je les regardais comme d’épouvantables monstruosités. Leurs façons de penser, leurs allures et leur langage négligemment cynique, leurs brutalités et leur dédain des femmes me choquaient et me révoltaient au dernier point, tant l’idée que je m’en étais faite répondait peu à la réalité. — Ce ne sont pas des monstres, si l’on veut, mais bien pis que cela, ma foi ! ce sont d’excellents garçons de très-joviale humeur, qui boivent et mangent bien, qui vous rendront toutes sortes de services, spirituels et braves, bons peintres et bons musiciens, qui sont propres à mille choses, excepté cependant à une seule pour laquelle ils ont été créés, qui est de servir de mâle à l’animal appelé femme, avec qui ils n’ont pas le plus léger rapport, ni physique ni moral.

J’avais peine d’abord à déguiser le mépris qu’ils m’inspiraient, mais peu à peu je m’accoutumai à leur manière de vivre. Je ne me sentais pas plus piquée des railleries qu’ils décochaient sur les femmes que si j’eusse moi-même été de leur sexe. — J’en faisais au contraire de fort bonnes et dont le succès flattait étrangement mon orgueil ; assurément aucun de mes camarades n’allait aussi loin que moi en fait de sarcasmes et de plaisanteries sur cet objet. La parfaite connaissance du terrain me donnait un grand avantage, et, outre le tour piquant qu’elles pouvaient avoir, mes épigrammes brillaient par un mérite d’exactitude qui manquait souvent aux leurs. — Car, bien que tout le mal que l’on dit des femmes soit toujours fondé par quelque point, il est néanmoins difficile aux hommes de garder le sang-froid nécessaire pour les bien railler, et il y a souvent bien de l’amour dans leurs invectives.

J’ai remarqué que ce sont les plus tendres et ceux