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PRÉFACE.

tre mille dieux auxquels ils croyaient, et nous n’en avons qu’un auquel nous ne croyons guère ; c’est progresser d’une étrange sorte. — Jupiter n’est-il pas plus fort que Don Juan, et un bien autre séducteur ? En vérité, je ne sais ce que nous avons inventé ou seulement perfectionné.

Après les journalistes progressifs, et comme pour leur servir d’antithèse, il y a les journalistes blasés, qui ont habituellement vingt ou vingt-deux ans, qui ne sont jamais sortis de leur quartier et n’ont encore couché qu’avec leur femme de ménage. Ceux-là, tout les ennuie, tout les excède, tout les assomme ; ils sont rassasiés, blasés, usés, inaccessibles. Ils connaissent d’avance ce que vous allez leur dire ; ils ont vu, senti, éprouvé, entendu tout ce qu’il est possible de voir, de sentir, d’éprouver et d’entendre ; le cœur humain n’a pas de recoin si inconnu qu’ils n’y aient porté la lanterne. Ils vous disent avec un aplomb merveilleux : Le cœur humain n’est pas comme cela ; les femmes ne sont pas faites ainsi ; ce caractère est faux ; — ou bien : — Eh quoi ! toujours des amours ou des haines ! toujours des hommes et des femmes ! Ne peut-on nous parler d’autre chose ? Mais l’homme est usé jusqu’à la corde, et la femme encore plus, depuis que M. de Balzac s’en mêle.

Qui nous délivrera des hommes et des femmes ?

— Vous croyez, monsieur, que votre fable est neuve ? elle est neuve à la façon du Pont-Neuf : rien au monde n’est plus commun ; j’ai lu cela je ne sais où, quand j’étais en nourrice ou ailleurs ; on m’en rebat les oreilles depuis dix ans. — Au reste, apprenez, monsieur, qu’il n’y a rien que je ne sache, que tout est usé pour moi, et que votre idée, fût-elle vierge comme la vierge Marie, je n’affirmerais pas moins l’avoir vue se prostituer sur les bornes aux moindres grimauds et aux plus minces cuistres.

Ces journalistes ont été cause de Jocko, du Monstre Vert, des Lyons de Mysore et de mille autres belles inventions.

Ceux-là se plaignent continuellement d’être obligés de lire des livres et de voir des pièces de théâtre. À propos d’un méchant vaudeville, ils vous parlent des amandiers en fleurs, de tilleuls qui embaument, de la brise du printemps, de l’odeur du jeune feuillage ; ils se font amants de la nature à la façon