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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

mains, et comme pour m’en empêcher, mais au fond pour me fournir l’occasion de mieux appuyer mon baiser, elle me frappa la bouche à deux ou trois reprises avec le revers de sa main.

Elle avait bu deux ou trois doigts de crème des Barbades avec un verre de vin des Canaries, et moi à peu près autant. Ce n’était pas beaucoup assurément ; mais il y en avait assez pour égayer deux femmes habituées à ne boire que de l’eau à peine trempée — Rosette se laissait aller en arrière et se renversait sur mon bras très-amoureusement. — Elle avait jeté son mantelet, et l’on voyait le commencement de sa gorge tendue et mise en arrêt par cette position cambrée ; — le ton en était d’une délicatesse et d’une transparence ravissantes ; la forme, d’une finesse et en même temps d’une solidité merveilleuses. Je la contemplai quelque temps avec une émotion et un plaisir indéfinissables, et cette réflexion me vint, que les hommes étaient plus favorisés que nous dans leurs amours, que nous leur donnions à posséder les plus charmants trésors, et qu’ils n’avaient rien de pareil à nous offrir. — Quel plaisir ce doit être de parcourir de ses lèvres cette peau si fine et si polie, et ces contours si bien arrondis, qui semblent aller au-devant du baiser et le provoquer ! ces chairs satinées, ces lignes ondoyantes et qui s’enveloppent les unes dans les autres, cette chevelure soyeuse et si douce à toucher ; quels motifs inépuisables de délicates voluptés que nous n’avons pas avec les hommes ! — Nos caresses, à nous, ne peuvent guère être que passives, et cependant il y a plus de plaisir à donner qu’à recevoir.

Voilà des remarques que je n’eusse assurément pas faites l’année passée, et j’aurais bien pu voir toutes les gorges et toutes les épaules du monde, sans m’inquié-