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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

rempli d’une végétation abondante et touffue, séparait le parc du grand chemin ; le revêtement était en pierre de taille ; et, dans les angles, se hérissaient de gigantesques artichauts et des chardons de fer qui semblaient avoir poussé comme des plantes naturelles entre les blocs disjoints de la muraille : un petit pont d’une arche traversait ce canal à sec et permettait d’arriver à la grille.

Une haute allée d’ormes, arrondie en berceau et taillée à la vieille mode, se présentait d’abord à vous ; et, après l’avoir suivie quelque temps, on débouchait dans une espèce de rond-point.

Ces arbres avaient plutôt l’air surannés que vieux ; ils paraissaient avoir des perruques et être poudrés à blanc ; on ne leur avait réservé qu’une petite houppe de feuillage au sommet de la tête ; tout le reste était soigneusement émondé, en sorte qu’on les eût pris pour des plumets démesurés plantés en terre de distance en distance.

Après avoir traversé le rond-point, couvert d’une herbe fine soigneusement foulée au rouleau, il fallait encore passer sous une curieuse architecture de feuillage ornée de pots-à-feu, de pyramides et de colonnes d’ordre rustique, le tout pratiqué à grand renfort de ciseaux et de serpes dans un énorme massif de buis. — Par différentes échappées on apercevait, à droite et à gauche, tantôt un château de rocaille à demi ruiné, tantôt l’escalier rongé de mousse d’une cascade tarie, ou bien un vase ou une statue de nymphe et de berger le nez et les doigts cassés, avec quelques pigeons perchés sur les épaules et sur la tête.

Un grand parterre, dessiné à la française, s’étendait devant le château ; tous les compartiments étaient tracés avec du buis et du houx dans la plus rigoureuse