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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

jeunesse que cela doit être on ne peut plus indifférent ; en vérité, vous nous donneriez d’étranges soupçons, si nous ne savions pas où sont les morceaux de votre dernière poupée… et cætera.

Tu ne te figures pas la prodigieuse quantité de madrigaux que nous avons été obligés de dépenser pour contraindre nos dames à mettre des costumes charmants, et qui leur allaient le mieux du monde.

Nous avons eu aussi beaucoup de peine à leur faire poser congrûment leurs assassines. Quel diable de goût ont les femmes ! et de quel titanique entêtement est possédée une petite-maîtresse vaporeuse qui croit que le jaune-paille glacé lui va mieux que le jonquille ou le rose vif. Je suis sûr que, si j’avais appliqué aux affaires publiques la moitié des ruses et des intrigues que j’ai employées pour faire mettre une plume rouge à gauche et non à droite, je serais ministre d’État ou empereur pour le moins.

Quel pandémonium ! quelle cohue énorme et inextricable doit être un théâtre véritable !

Depuis que l’on a parlé de jouer la comédie, tout est ici dans le désordre le plus complet. Tous les tiroirs sont ouverts, toutes les armoires vidées ; c’est un vrai pillage. Les tables, les fauteuils, les consoles, tout est encombré, on ne sait où poser le pied : il traîne par la maison des quantités prodigieuses de robes, de mantelets, de voiles, de jupes, de capes, de toques, de chapeaux ; et, quand on pense que cela doit tenir sur le corps de sept ou huit personnes, on se rappelle involontairement ces bateleurs de la foire qui ont huit à dix habits les uns sur les autres, et l’on ne peut se figurer que, de tout cet amas, il ne sortira qu’un costume pour chacun.

Les domestiques ne font qu’aller et venir ; — il y en