Page:Gautier - Mademoiselle de Maupin (Charpentier 1880).djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
MADEMOISELLE DE MAUPIN.

nes de ganses et de rubans ; — voilà pour les hommes.

Les femmes ne sont pas moins curieusement accoutrées.

— Les dessins de Della Bella et de Romain de Hooge peuvent servir à se représenter le caractère de leur ajustement : ce sont des robes étoffées, ondoyantes, avec de grands plis qui chatoient comme des gorges de tourterelles et reflètent toutes les teintes changeantes de l’iris, de grandes manches d’où sortent d’autres manches, des fraises de dentelles déchiquetées à jour, qui montent plus haut que la tête à laquelle elles servent de cadre, des corsets chargés de nœuds et de broderies, des aiguillettes, des joyaux bizarres, des aigrettes de plumes de héron, des colliers de grosses perles, des éventails de queue de paon avec des miroirs au milieu, de petites mules et des patins, des guirlandes de fleurs artificielles, des paillettes, des gazes lamées, du fard, des mouches, et tout ce qui peut ajouter du ragoût et du piquant à une toilette de théâtre.

C’est un goût qui n’est précisément ni anglais, ni allemand, ni français, ni turc, ni espagnol, ni tartare, quoiqu’il tienne un peu de tout cela, et qu’il ait pris à chaque pays ce qu’il avait de plus gracieux et de plus caractéristique. — Des acteurs ainsi habillés peuvent dire tout ce qu’ils veulent sans choquer la vraisemblance. La fantaisie peut courir de tous côtés, le style dérouler à son aise ses anneaux diaprés, comme une couleuvre qui se chauffe au soleil ; les concetti les plus exotiques épanouir sans crainte leurs calices singuliers et répandre autour d’eux leur parfum d’ambre et de musc. — Rien ne s’y oppose, ni les lieux, ni les noms, ni le costume.

Comme ce qu’ils débitent est amusant et charmant !