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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

sée montées sur le pistil d’or des lis. — Ce sont leurs lorgnettes.

Les décorations ne ressemblent à aucune décoration connue ; le pays qu’elles représentent est plus ignoré que l’Amérique avant sa découverte. — La palette du peintre le plus riche n’a pas la moitié des tons dont elles sont diaprées : tout y est peint de couleurs bizarres et singulières : la cendre verte, la cendre bleue, l’outremer, les laques jaunes et rouges y sont prodigués.

Le ciel, d’un bleu verdissant, est zébré de larges bandes blondes et fauves ; de petits arbres fluets et grêles balancent sur le second plan leur feuillage clair-semé, couleur de rose sèche ; les lointains, au lieu de se noyer dans leur vapeur azurée, sont du plus beau vert-pomme, et il s’en échappe çà et là des spirales de fumée dorée. — Un rayon égaré se suspend au fronton d’un temple ruiné ou à la flèche d’une tour. — Des villes pleines de clochetons, de pyramides, de dômes, d’arcades et de rampes sont assises sur les collines et se réfléchissent dans des lacs de cristal ; de grands arbres aux larges feuilles, profondément découpées par les ciseaux des fées, enlacent inextricablement leurs troncs et leurs branches pour faire les coulisses. Les nuages du ciel s’amassent sur leurs têtes comme des flocons de neige, et l’on voit scintiller dans leurs interstices les yeux des nains et des gnomes, leurs racines tortueuses se plongent dans le sol comme le doigt d’une main de géant. Le pivert les frappe en mesure avec son bec de corne, et des lézards d’émeraude se chauffent au soleil sur la mousse de leurs pieds.

Le champignon regarde la comédie son chapeau sur la tête, comme un insolent qu’il est : la violette mignonne se dresse sur la pointe de ses petits pieds entre