que vous êtes, louez-moi donc directement, car ce monsieur est moi, et c’est un détour inutile que de lui envoyer ce qui me revient. D’autres fois j’avais d’horribles démangeaisons de l’étrangler et de mettre son âme à la porte de ce corps qui m’appartenait, et je rôdais autour de lui les lèvres serrées, les poings crispés comme un seigneur qui rôde autour de son palais où une famille de gueux s’est établie en son absence et qui ne sait comment les jeter dehors. — Ce jeune homme, au reste, est stupide, et il réussit d’autant plus. — Et quelquefois j’envie sa stupidité plus que sa beauté. — Le mot de l’Évangile sur les pauvres d’esprit n’est pas complet : ils auront le royaume du ciel ; je n’en sais rien, et cela m’est bien égal ; mais à coup sûr ils ont le royaume de la terre, — ils ont l’argent et les belles femmes, c’est-à-dire les deux seules choses désirables qui soient au monde. — Connais-tu un homme d’esprit qui soit riche, et un garçon de cœur et de quelque mérite qui ait une maîtresse passable ? — Quoique Théodore soit très-beau, je n’ai cependant pas désiré sa beauté, et j’aime mieux qu’il l’ait que moi.
— Ces amours étranges dont sont pleines les élégies des poëtes anciens, qui nous surprenaient tant et que nous ne pouvions concevoir, sont donc vraisemblables et possibles. Dans les traductions que nous en faisions, nous mettions des noms de femmes à la place de ceux qui y étaient. Juventius se terminait en Juventia, Alexis se changeait en Ianthé. Les beaux garçons devenaient de belles filles, nous recomposions ainsi le sérail monstrueux de Catulle, de Tibulle, de Martial et du doux Virgile. C’était une fort galante occupation qui prouvait seulement combien peu nous avions compris le génie antique.