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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

course était si rapide, qu’on n’entendait que quelques rares abois.

Théodore, comme le mieux monté et le meilleur écuyer, talonnait la meute avec une ardeur incroyable. D’Albert le suivait de près. Rosette et le petit page Isnabel suivaient, séparés par un intervalle qui s’augmentait de minute en minute.

L’intervalle fut bientôt assez grand pour ne pouvoir plus espérer de rétablir l’équilibre.

— Si nous nous arrêtions un peu, dit Rosette, pour laisser souffler les chevaux ? — La chasse va du côté de l’étang, et je sais un chemin de traverse par lequel nous pourrons arriver en même temps qu’eux.

Isnabel tira la bride de son petit cheval des montagnes, qui baissa la tête en secouant sur ses yeux les mèches pendantes de sa crinière, et se mit à creuser le sable avec ses ongles.

Ce petit cheval formait avec celui de Rosette le contraste le plus parfait ; il était noir comme la nuit, l’autre d’un blanc de satin : il était tout hérissé et tout échevelé ; l’autre avait la crinière nattée de bleu, la queue peignée et frisée. Le second avait l’air d’une licorne et le premier d’un barbet.

La même différence antithétique se faisait remarquer dans les maîtres et dans les montures. — Rosette avait les cheveux aussi noirs qu’Isnabel les avait blonds ; ses sourcils étaient dessinés très-nettement et d’une manière très-apparente ; ceux du page n’avaient guère plus de vigueur que sa peau et ressemblaient au duvet de la pêche. — La couleur de l’une était éclatante et solide comme la lumière du midi ; le teint de l’autre avait les transparences et les rougeurs de l’aube naissante.

— Si nous tâchions maintenant de rattraper la chasse ?