du grand chemin pour les lui jeter et le blesser derrière son mur, s’il est assez adroit pour cela.
Le critique qui n’a rien produit est un lâche ; c’est comme un abbé qui courtise la femme d’un laïque : celui-ci ne peut lui rendre la pareille ni se battre avec lui.
Je crois que ce serait une histoire au moins aussi curieuse que celle de Teglath-Phalasar ou de Gemmagog qui inventa les souliers à poulaine, que l’histoire des différentes manières de déprécier un ouvrage quelconque depuis un mois jusqu’à nos jours.
Il y a assez de matières pour quinze ou seize volumes in-folio ; mais nous aurons pitié du lecteur, et nous nous bornerons à quelques lignes, — bienfait pour lequel nous demandons une reconnaissance plus qu’éternelle. — À une époque très-reculée, qui se perd dans la nuit des âges, il y a bien tantôt trois semaines de cela, le roman moyen âge, florissait principalement à Paris et dans la banlieue. La cotte armoriée était en grand honneur ; on ne méprisait pas les coiffures à la Hennin, on estimait fort le pantalon mi-parti ; la dague était hors de prix ; le soulier à poulaine était adoré comme un fétiche. — Ce n’étaient qu’ogives, tourelles, colonnettes, verrières coloriées, cathédrales et châteaux forts ; — ce n’étaient que demoiselles et damoiseaux, pages et varlets, truands et soudards, galants chevaliers et châtelains féroces ; — toutes choses certainement plus innocentes que les jeux innocents, et qui ne faisaient de mal à personne.
Le critique n’avait pas attendu au second roman pour commencer son œuvre de dépréciation ; dès le premier qui avait paru, il s’était enveloppé de son cilice de poil de chameau, et s’était répandu un boisseau de cendre sur la tête : puis, prenant sa grande voix dolente, il s’était mis à crier :
— Encore du moyen âge, toujours du moyen âge ! qui me délivrera du moyen âge, de ce moyen âge qui n’est pas le moyen âge ? — Moyen âge de carton et de terre cuite qui n’a du moyen âge que le nom. — Oh ! les barons de fer, dans leur armure de fer, avec leur cœur de fer, dans leur poitrine de fer ! — Oh ! les cathédrales avec leurs rosaces toujours épanouies et leurs verrières en fleurs, avec leurs dentelles de granit, avec leurs trèfles découpés à jour, leurs pignons tailladés