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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

de l’argent, — or dans l’ombre, argent dans la lumière ; son cou était en même temps gras et frêle, et n’avait rien du sexe indiqué par ses habits ; deux ou trois boutons du justaucorps, défaits pour faciliter la respiration, permettaient d’entrevoir, par l’hiatus d’une chemise de fine toile de Hollande, un losange de chair potelée et rebondie d’une admirable blancheur, et le commencement d’une certaine ligne ronde difficile à expliquer sur la poitrine d’un jeune garçon ; en y regardant bien, on eût peut-être trouvé aussi que ses hanches étaient un peu trop développées. — Le lecteur en pensera ce qu’il voudra ; ce sont de simples conjectures que nous lui proposons : nous n’en savons pas là-dessus plus que lui, mais nous espérons en apprendre davantage dans quelque temps, et nous lui promettons de le tenir fidèlement au courant de nos découvertes. — Que le lecteur, s’il a la vue moins basse que nous, enfonce son regard sous la dentelle de cette chemise et décide en conscience si ce contour est trop ou trop peu saillant ; mais nous l’avertissons que les rideaux sont tirés, et qu’il règne dans la chambre un demi-jour peu favorable à ces sortes d’investigations.

Le cavalier était pâle, mais d’une pâleur dorée, pleine de force et de vie ; ses prunelles nageaient sur un cristallin humide et bleu ; son nez droit et mince donnait à son profil une fierté et une vigueur merveilleuses, et la chair en était si fine que, sur le bord du contour, elle laissait transpercer la lumière ; sa bouche avait le sourire le plus doux à de certains moments, mais d’ordinaire elle était arquée à ses coins, comme quelques-unes de ces têtes qu’on voit dans les tableaux des vieux maîtres italiens, plutôt en dedans qu’en dehors ; ce qui lui donnait quelque chose d’adorablement dédaigneux, une smorfia on ne peut plus piquante, un air de bouderie